Assurance au kilomètre : vraie bonne affaire ou piège tarifaire ?

Le télétravail s’est installé durablement dans les habitudes des Français. Avec un quart des actifs travaillant désormais à distance au moins une fois par semaine, le kilométrage moyen ne cesse de baisser. Face à ce bouleversement, les formules d’assurance au kilomètre promettent des économies substantielles. Mais cette solution tient-elle vraiment ses promesses ?

Par la rédaction, publié le 1er octobre 2025

La voiture dort plus qu’elle ne roule. Depuis la généralisation du télétravail, ce constat s’impose dans les parkings et les garages français. Un actif sur quatre travaille aujourd’hui à distance au moins une fois par semaine, transformant radicalement l’usage de l’automobile. Résultat : le kilométrage annuel moyen des Français est passé sous la barre des 12 000 kilomètres. Une évolution qui chamboule le marché de l’assurance automobile et fait émerger une question simple : pourquoi payer autant pour une voiture qui roule si peu ?

L’assurance au kilomètre surfe sur cette tendance de fond. La formule séduit par sa logique apparemment imparable : ne payer que ce que l’on consomme. Les assureurs rivalisent d’arguments pour attirer les petits rouleurs, ces automobilistes qui sortent leur véhicule au compte-gouttes. Les promesses sont alléchantes. Certaines offres démarrent à 200 euros par an, soit trois fois moins que les 508 euros que coûte en moyenne une assurance automobile classique, selon la fédération France Assureurs. De quoi faire vaciller les convictions des automobilistes les plus fidèles.

Télétravail : le grand bouleversement de nos déplacements

Le changement s’est opéré presque sans bruit. Après les confinements, huit entreprises sur dix ont choisi de pérenniser le télétravail sous une forme régulière, entre un et trois jours par semaine. Cette mutation professionnelle a des conséquences directes sur nos déplacements quotidiens. Plus besoin de prendre le volant cinq fois par semaine pour rejoindre le bureau. Les embouteillages matinaux se dépeuplent, les parkings d’entreprises se vident.

Un responsable des ressources humaines d’une grande entreprise francilienne que nous avons interrogé confirme : « Nos collaborateurs ne viennent plus au bureau que deux à trois jours par semaine. Beaucoup ont renoncé à leur abonnement de transport en commun. La voiture est devenue un outil du week-end, réservée aux sorties et aux courses. » Cette transformation touche particulièrement les zones urbaines denses, où les transports en commun prennent le relais pour les déplacements professionnels occasionnels.

Des économies qui peuvent atteindre plusieurs centaines d’euros

Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Pour un conducteur parcourant moins de 8 000 kilomètres par an, l’économie peut grimper jusqu’à 400 euros annuels. Une étude menée en 2017 par l’institut Ipsos auprès de 400 assurés révélait déjà que les formules au kilomètre permettaient de réaliser environ 40% d’économie par rapport aux offres classiques. Sept ans plus tard, l’écart s’est maintenu.

Le principe est simple : deux formules coexistent sur le marché. La première fonctionne au forfait kilométrique. Le conducteur choisit un plafond annuel, généralement entre 5 000 et 20 000 kilomètres. La seconde, dite « pay as you drive », repose sur un suivi en temps réel grâce à un boîtier connecté ou une application mobile. Dans les deux cas, l’objectif reste le même : adapter la prime d’assurance à l’usage réel du véhicule.

Les profils gagnants se dessinent clairement. Télétravailleurs, retraités effectuant de courts trajets, étudiants n’utilisant leur voiture que pendant les vacances, propriétaires d’un second véhicule : tous ces automobilistes ont intérêt à se pencher sur la question. Un citadin travaillant à domicile et parcourant 7 000 kilomètres par an peut diviser sa facture d’assurance par deux, voire plus.

Les pièges à éviter avant de souscrire

L’euphorie tarifaire ne doit pas masquer certaines réalités moins reluisantes. Le premier écueil concerne le dépassement de forfait. Dépasser le kilométrage prévu au contrat peut coûter cher. Les pénalités varient selon les assureurs : majoration au kilomètre supplémentaire, augmentation de la prime, voire minoration de l’indemnisation en cas d’accident. Un automobiliste ayant sous-estimé son kilométrage annuel peut se retrouver à payer plus cher qu’avec une formule classique.

La question des données personnelles soulève également des inquiétudes légitimes. Les formules connectées nécessitent l’installation d’un boîtier GPS enregistrant tous les détails des trajets : distance parcourue, horaires, destinations, routes empruntées, style de conduite. Ces informations sont ensuite transmises à l’assureur. La Commission nationale de l’informatique et des libertés encadre strictement la collecte et l’utilisation de ces données, mais la sensation de surveillance permanente peut en rebuter plus d’un.

Un autre point mérite attention : la sous-estimation systématique de son kilométrage. Beaucoup d’automobilistes pensent rouler moins qu’ils ne le font réellement. Un conducteur que nous avons rencontré témoigne : « J’avais souscrit un forfait 8 000 kilomètres en pensant que ça suffirait largement. Entre les week-ends, les vacances et quelques déplacements imprévus, j’ai dépassé de 3 000 kilomètres. La facture finale était salée. »

Un marché qui reste encore confidentiel malgré son potentiel

Malgré ses atouts, l’assurance au kilomètre peine encore à s’imposer massivement. Les réticences persistent. Certains automobilistes craignent la complexité administrative, d’autres redoutent les mauvaises surprises en cas de dépassement. La méconnaissance du dispositif joue également : beaucoup ignorent simplement l’existence de ces formules.

Les experts soulignent pourtant que le contexte actuel est propice à son développement. La baisse structurelle du kilométrage moyen, portée par le télétravail et les nouvelles mobilités, crée un terreau favorable. Les assureurs l’ont bien compris et multiplient les offres ciblées. Mais le passage à l’acte reste difficile pour les automobilistes, habitués depuis des décennies au modèle forfaitaire traditionnel.

Comment faire le bon choix sans se tromper

Avant de franchir le pas, plusieurs précautions s’imposent. D’abord, estimer précisément son kilométrage annuel en consultant l’historique de son compteur ou ses factures d’entretien. Mieux vaut prévoir large que d’être pris au piège. Ensuite, comparer minutieusement les offres en scrutant non seulement les tarifs, mais surtout les garanties incluses et les conditions de dépassement. Les assureurs ne sont pas tous logés à la même enseigne sur ce point.

La lecture attentive des petites lignes du contrat évite bien des déconvenues. Que se passe-t-il en cas de dépassement ? Les kilomètres non utilisés sont-ils reportés ou remboursés l’année suivante ? Quelle est la politique de l’assureur en matière de géolocalisation ? Autant de questions à éclaircir avant la signature.

Pour les conducteurs roulant entre 8 000 et 12 000 kilomètres par an, le calcul devient plus délicat. À ce niveau, l’écart de prix avec une formule classique se réduit significativement. Au-delà de 12 000 kilomètres, l’assurance au kilomètre perd généralement tout intérêt financier. Elle peut même coûter plus cher.

Une solution d’avenir portée par l’évolution des modes de vie

L’assurance au kilomètre s’inscrit dans un mouvement plus large de personnalisation des services. Les consommateurs ne veulent plus payer pour des moyennes abstraites, mais pour leur usage réel. Cette exigence de transparence et d’équité tarifaire gagne tous les secteurs, de l’énergie aux télécommunications. L’assurance automobile n’y échappe pas.

L’essor des nouvelles mobilités renforce cette tendance. Covoiturage, autopartage, vélos électriques : les alternatives à la voiture individuelle se multiplient. Dans ce contexte, l’automobile devient un outil d’appoint plutôt qu’un moyen de transport quotidien. Un usage modéré qui appelle une tarification adaptée.

Le télétravail, désormais ancré dans le code du travail et les accords d’entreprise, ne disparaîtra pas. Malgré quelques tentatives de retour au bureau à temps complet, la flexibilité reste un critère clé pour le recrutement, notamment auprès des jeunes qualifiés. Cette évolution pérenne des modes de vie professionnels continuera de peser sur nos habitudes de déplacement.

L’assurance au kilomètre représente donc une piste sérieuse d’économie pour qui sait l’utiliser à bon escient. Mais elle n’est pas la solution miracle pour tous. Entre promesses alléchantes et réalité du terrain, il convient de garder la tête froide et de bien mesurer son kilométrage avant de sauter le pas. Pour les vrais petits rouleurs, le jeu en vaut clairement la chandelle. Pour les autres, la prudence reste de mise.